
Le Conseil d’Etat valide l’intervention du Ministre de l’Intérieur pour prendre des mesures pour gérer la pandémie.
Nous avons commenté récemment les décisions du Conseil d’Etat relatives aux mesures de confinement « light ». Par deux nouveaux arrêts du 30 octobre 2020[1], l’assemblée générale du Conseil d’Etat poursuit son travail de contrôle. Dans ces deux nouveaux arrêts, le Conseil d’Etat, réuni en assemblée générale, a rejeté les recours en suspensions en extrême urgence introduits à l’encontre des arrêtés ministériels des 18, 23 et 28 octobre 2020. Le premier arrêt concerne la fermeture de l’Horeca. Le second recours traite de la mise en place d’un couvre-feux sur l’ensemble du territoire belge.
Ces deux recours traitent de demandes différentes, mais s’appuient tous deux, notamment, sur un moyen pris de l’incompétence du Ministre de l’Intérieur.
Comme dans les deux arrêts précédents[2], le Conseil d’État se penche ici encore, sur le caractère sérieux des moyens invoqués. Ce faisant, la juridiction procède, prima facie, à une première analyse au fond des arguments invoqués dans ces requêtes. Cette rigueur offre une certaine sécurité juridique dans un paysage réglementaire qui change au gré de nouvelles mesures COVID qui sont adoptées.
En l’espèce, les requérants estimaient que ni la loi du 15 mai 2007[3], ni la loi du 31 décembre 1963[4] ne permettent au Ministre de prendre les mesures de fermetures d’Horeca et de couvre-feu. Ils ajoutent que, de surcroît, le ministre ne pourrait se fonder sur l’article 187 de la loi de 2007 afin de d’assortir ces mesures de sanctions pénales.
Le Conseil d’Etat rejette cette appréciation.
Dans le premier arrêt, la juridiction soulève que l’article 182 de la loi de 2007 qu’ « en cas de circonstances dangereuses, en vue d’assurer la protection de la population, (le ministre peut) assigner un lieu de séjour provisoire aux personnes visées par cette mesure; il peut, pour le même motif, interdire tout déplacement ou mouvement de la population » (traduction libre).
Par référence à l’article 6 de la loi de 1963, en particulier la volonté exprimée du Législateur, le Conseil d’État relève que le Législateur a, précisément identifié le risque de contamination comme une « circonstance dangereuses » au sens de la loi de 2007. De cette manière, le ministre est compétent afin de mettre en place un couvre-feu.
Dans le deuxième arrêt, le Conseil d’État rappelle qu’en vertu de l’article 11 de la loi 5 aout 1992 sur la fonction de police, « le ministre de l’Intérieur et le gouverneur exercent à titre subsidiaire les attributions du bourgmestre ou des institutions communales lorsqu’ils manquent, volontairement ou non, à leurs responsabilités, lorsque les troubles à l’ordre public s’étendent au territoire de plusieurs communes, ou lorsque, bien que l’événement ou la situation soit localisée dans une seule commune, l’intérêt général exige leur intervention ».[5]
La compétence de fermeture de l’Horeca, bien qu’initialement attribuée aux communes sur base de l’article 135, §2 de la Nouvelle Loi Communale[6], peut donc être exercée dans les circonstances actuelles par le ministre de l’Intérieur. Ceci fonde, notamment, la compétence du Ministre de l’Intérieur quant à la fermeture de l’Horeca.
Non seulement le Conseil d’Etat constate la compétence du Ministre de l’Intérieur dans ces deux arrêts, il juge également que l’article 187 de la loi de 2007 permet au Ministre d’assortir de sanctions pénales les mesures prises sur base de l’article 182 de cette même loi. Il juge que les sanctions pénales prévues dans le cadre des mesures en cause ont donc bel et bien l’apparence de la légalité.
Comme elle l’avait entamé, l’Assemblée Générale du Conseil d’État joue ici pleinement son rôle de juge de la légalité de l’action administrative. Ce faisant, le Conseil d’Etat assure une sécurité juridique accrue, fondamentale pour pouvoir s’organiser pour combattre la pandémie
[1] C.E., arrêts n°248.818 et 248.819 du 30 octobre 2020.
[2] Voir https://swing-law.eu/fr/mieux-vaut-un-lockdown-light-qu-une-crise-sanitaire/
[3] Loi sur la protection civile, M.B., 31 juillet 2007.
[4] Loi sur la protection civile, M.B., 16 janvier 1964.
[5] Loi sur la fonction de police, M.B., 22 décembre 1992.
[6] Loi portant le titre de Nouvelle Loi Communale, M.B., 3 septembre 1988.