Dans un arrêt brûlant d’actualité la Cour européenne des Droits de l’Homme s’est prononcée sur la légalité de la mesure du Gouvernement Tchèque imposant une vaccination obligatoire des enfants contre certaines maladies bien connues de la médecine. Le non respect (sans raison valable) de cette obligation pouvant entrainer, dans le chef des parents, des sanctions, à savoir, le paiement d’une amende et le refus d’accepter un enfant non vacciné à l’école maternelle. Nul doute qu’une pareille mesure restreint le droit au respect de la vie privée (protégé par l’article 8 CEDH) de cet enfant. Toutefois, cela n’implique pas d’office son illégalité. En effet, pour peu que la mesure « passe » le test de proportionnalité opéré par la Cour, la mesure sera déclarée conforme.

Première étape, la CEDH vérifie la légitimité de l’objectif poursuivi. En l’espèce, la vaccination, en protégeant l’individu inoculé mais aussi en développant une immunité collective au profit de chacun, participe à atteindre un objectif de santé publique.

L’intérêt supérieur des enfants est primordial dans la jurisprudence de la CEDH. Ici, la CEDH prend en compte tant la protection de l’enfant écarté de l’enseignement pour cause de non-vaccination que celui des enfants profitant l’immunité collective. A cet égard la mesure est déclarée légitime par la CEDH.

À cet égard, il est intéressant de noter que la Cour insiste sur le fait que cette obligation de vaccination doit être analysée sous l’angle de la solidarité sociale et l’importance que celle-ci revêt. La Cour met en effet en évidence le fait que « l’objet de l’obligation en cause étant de protéger la santé de tous les membres de la société, en particulier des personnes qui sont particulièrement vulnérables face à certaines maladies et pour lesquelles le reste de la population est invité à prendre un risque minime en se faisant vacciner ».

Ensuite, la CEDH interroge la pertinence d’une telle mesure, c’est-à-dire, sa faculté à atteindre l’objectif poursuivi. La Cour soulève que l’efficacité de ces vaccins est partagée par la communauté scientifique. Pour ce motif, la mesure est donc pertinente.

Enfin, la Cour interroge le caractère proportionnel au sens strict de la mesure litigieuse. Cet exercice permet de soupeser les intérêts en présence et déceler un déséquilibre manifeste dans la mesure. Dans le cadre de l’examen de la proportionnalité de la mesure, la Cour insiste sur le fait que quand bien même la vaccination est une obligation légale dans un Etat, il « n’est pas possible d’en imposer directement l’observation, aucune disposition ne permettant d’administrer un vaccin par la force ». La Cour estime cependant que des sanctions peuvent assortir le non respect de cette obligation dès lors que « l’application de sanctions est employée comme méthode indirecte pour faire respecter cette obligation ». Celle-ci doit cependant être proportionnelle.

La Cour constate alors qu’en l’espèce, le montant des amendes étant «juste » et la mesure d’écartement des cours étant temporaire et de nature préventive, la Cour qualifie la mesure de proportionnelle au sens stricte.

Par cela, la CEDH scelle la conventionnalité de cette mesure.

Le grand absent de cet arrêt est l’examen de la nécessité de la mesure. Lors de cet examen, la CEDH examine si la mesure est la moins attentatoire pour arriver à l’objectif poursuivi. Comme le résume le juge WOJTYCZEK dans son opinion dissidente, l’usage aléatoire du critère nécessité dans la jurisprudence de la CEDH met à mal la sécurité juridique et laisse à penser que c’est par inconfort de déclarer illégale une telle mesure qu’il est ici écarté de l’analyse de la Cour.

En conclusion, la CEDH a réaffirmé son rôle de juge de la proportionnalité des mesures restreignant les libertés fondamentales au profit de la protection de la santé publique. Loin de qualifier toutes mesures similaires de conventionnelle, la Cour juge cette mesure proportionnelle à la suite d’un examen approfondi des circonstances et de auto-limitations propres au cas d’espèce. En agissant de la sorte, la Cour renforce la légitimité des mesures sanitaires. Attention que cette légitimité ne soit entachée du manque de constance dans l’application du test de proportionnalité.

Au vu de l’actualité, il peut être tentant de voir dans cet arrêt le blanc-seing de politiques vaccinales contraignantes pour contrer la pandémie de COVID-19. C’est là pourtant aller beaucoup plus loin que ce que la Cour n’autorise ; la proportionnalité apparaît du fait du groupe cible, de ce que les maladies concernées sont celles qu’elles sont et que les mesures de prévention de propagation de ces maladies sont aussi limitées. Sauf à invalider a posteriori toutes les autres mesures adoptées dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID-19, une politique de vaccination obligatoire ne pourra simplement être imposée. Il faut se garder des raccourcis…