Cartes de crédits et jeux de hasard – comprendre pour mieux protéger

18.03.2022
By Swing-Law
Share

Dans un arrêt du 17 mars 20221 www.const-court.be/public/f/2022/2022-043f.pdf, la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur la question de savoir si l’interdiction de permettre le paiement de mises de jeux de hasard par carte de crédit dans leur version « en ligne », en particulier pour les casinos, alors que dans les casinos « terrestres » ce mode de paiement est accepté, n’est pas discriminatoire.

En effet, il peut sembler étrange qu’un même jeu, opéré par un même opérateur, puisse être payé par carte de crédit lorsque le jeu se fait en « terrestre », alors que cela est interdit lorsque ce jeu est joué « en ligne ».

Dans son analyse, la Cour Constitutionnelle constate que les règles mises pour encadrer l’exercice des activités de jeu de hasard sont destinées à protéger les joueurs. Elle relève qu’un tel objectif est légitime. C’est au regard de cet objectif, que la Cour opère alors la suite de son analyse.

La Cour relève alors que la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne a déjà constaté les « caractéristiques propres à l’offre de jeux de hasard via Internet [qui] comportent des risques de nature différente et d’une importance accrue en ce qui concerne d’éventuelles fraudes commises par les opérateurs et des risques de nature différente et d’une importance accrue en matière de protection des consommateurs et singulièrement des jeunes et des personnes ayant une propension particulière au jeu ou susceptibles de développer une telle propension, par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux ».

Ceci justifie que le critère de distinction pour l’usage de la carte de crédit ne soit pas le type de jeu de hasard (casino, jeux automatiques ou paris), mais bien le medium (terrestre ou par internet). À cet égard, la Cour estime qu’un traitement identique des jeux de hasard en ligne, que ce soient des jeux de casinos, des jeux automatiques ou des paris, se justifie pleinement. Il n’est donc pas injustifié d’interdire l’usage des cartes de crédit pour les jeux de casinos « en ligne », à l’instar des autres jeux « en ligne ».

Dans le cadre de la procédure, un opérateur a tenté d’inviter à la Cour à se prononcer sur la justification d’une distinction qui existe entre les casinos (terrestres) et les salles de jeux automatiques ou salles de paris sportifs. En effet, si les casinos peuvent accepter les paiements par carte de crédit, tel n’est pas le cas des autres salles de jeux et paris. La Cour s’est refusée à un tel exercice. Elle a rappelé qu’il n’appartient pas aux parties qui interviennent devant elle de modifier la portée d’une question.

Le raisonnement tenu par la Cour pour répondre à la question qui lui a été posée, nous semble pourtant permettre une réponse à la question soulevée par cet opérateur de jeux : s’il convient de prendre en compte la nature du medium de jeu, le casino se distingue probablement des salles de jeux automatiques et de paris : dans les premiers, le joueur aura davantage d’interaction humaine, permettant de contrôler son comportement de joueur. À l’inverse, dans les salles de jeux automatiques et pour les paris, le jeu est plus solitaire. La protection du joueur sera alors assumée par la limitation des moyens de paiement. Voyons, à l’occasion d’un prochain litige entre opérateurs, si la Cour suit ce raisonnement.